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Vendredi 27 décembre 2024
C’est parti! La première étape de mon voyage commence ici, à Moncton, au Nouveau−Brunswick; je ferai escale à Montréal, puis j’arriverai à Winnipeg, où je rejoindrai Ruby Langan et Lenora Maracle pour cette incroyable expérience.
Le but du voyage est de rendre hommage aux femmes et aux filles autochtones disparues et assassinées, de tisser des liens avec les collectivités autochtones et de mieux comprendre les défis auxquels sont exposées les femmes autochtones à Winnipeg.
On m’a invitée à participer à ce voyage inspirant en tant que représentante nationale de l’équité pour les femmes du SEN, et c’est avec fierté et enthousiasme que je me joins à ce groupe de travail.
Nous nous engageons à vous communiquer tout ce que nous apprendrons!
XO
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J’ai dormi pendant tout le trajet jusqu’à Montréal. C’est comme si mon corps était conscient de la lourdeur à venir et qu’il se préparait à l’affronter. Pendant que je me ravitaille au Pork and Pickle de l’aéroport, j’ai l’impression que je dormirai aussi pendant mon prochain vol.
Comme je vis avec une douleur chronique quotidienne, ces pérégrinations ne sont pas faciles pour moi, mais rien ne m’empêchera d’y participer.
Samedi 28 décembre 2024
Malheureusement, l’avion de Ruby a été retardé. Elle est arrivée à l’hôtel aux petites heures du matin, et nous commencerons donc notre journée plus tard.
Aujourd’hui, nous prévoyons rencontrer des personnes intéressantes pour le dîner à La Fourche, avant de nous rendre au site commémoratif des femmes autochtones disparues ou assassinées. Je pense que la préparation est capitale. Même si je me réjouis à l’idée de ce qui s’en vient, je sais que cet apprentissage sera chargé d’émotions et que le sujet sera très sensible et très lourd. Nous sommes ici pour honorer, respecter et apprendre.
Je m’en vais de ce pas rencontrer Lenora pour le déjeuner. Que les rencontres commencent.
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Notre consœur syndicale Frances nous a rejointes, Lenora et moi, et nous nous asseyons toutes les trois en cercle pour préparer des paquets de tabac sacré enroulés de tissus rouges, que nous offrirons aujourd’hui et demain. Après l’arrivée de Ruby, nous allons à la rencontre de l’Aînée du Manitoba Barbara Nepinak. Nous dînons ensemble, puis Barbara nous fait visiter le Musée canadien pour les droits de la personne. Nous y voyons de nombreuses expositions abordant plusieurs thèmes, comme la Couverture des témoins, La force du nombre, les Perspectives autochtones, la Protection des droits de la personne, et nous pouvons suivre l’évolution du cadre juridique du Canada, comme la primauté de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, dans l’affaire Tawney Meiorin, les tournants de l’humanité, et j’en passe. On pourrait facilement passer des jours dans ce musée, qui montre avec talent les atrocités vécues, les batailles menées, les guerres et les luttes, tout ce qui a contribué aux gains au chapitre des droits de la personne dont nous jouissons aujourd’hui. Une chose est claire : il reste beaucoup de travail à faire.
Le musée montre que la campagne #Fouille la décharge a gagné du terrain et qu’il a été possible de circonscrire la zone où les dépouilles des victimes pourraient être découvertes. Le fait que des dépouilles ont été récemment trouvées à la décharge de la Saskatchewan donne tout particulièrement du poids à la nécessité de fouiller la décharge de Prairie Green, et surtout, d’accepter que ces fouilles sont nécessaires, peu importe l’endroit d’où l’on vient, la couleur de notre peau, notre situation économique… Les familles ont besoin de tourner la page. Tout le monde mérite le même niveau d’attention et de réflexion.
Je me sens dépassée et je dois quitter cet espace. La chaleur et la nausée me submergent, et j’ai besoin de prendre l’air. Nous profitons de l’occasion pour nous promener dans le parc de La Fourche, admirant sa beauté, ses lumières scintillantes et les sculptures et parcourir les lieux sacrés comme le Cercle de célébration Oodena et le site commémoratif des femmes autochtones disparues et assassinées. Nous nous arrêtons ici pour faire une prière une prière, une purification et une offrande de tabac, près des empreintes de mains rouges peintes sur les pierres arrondies, ce qui a alourdi l’atmosphère déjà chargée.
Dernier arrêt du jour au marché de La Fourche, où nous entrons dans quelques boutiques, dont les boutiques autochtones Teekca et Manitobah. Je suis la fière nouvelle propriétaire de bottes d’hiver, de sauge de buffle, d’œuvres d’art et d’un bracelet que je prévois donner à ma fille lorsque je rentrerai à la maison.
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Assise dans ma chambre d’hôtel, tranquille et seule, je ressens le poids de cette journée, mais je suis aussi imprégnée d’un espoir et d’un objectif renouvelés. Aujourd’hui a été une journée d’apprentissage profonde et enrichissante.
Dimanche 29 décembre 2024
Préparatifs en vue de la deuxième journée de la mission du groupe de travail. Nous prévoyons aujourd’hui aller au dépotoir de Prairie Green, visiter le pavillon de ressourcement et voir la peinture murale qui commémore les femmes autochtones disparues ou assassinées. Si le temps le permet, nous visiterons peut-être un refuge pour femmes. Je me sens très enthousiaste aujourd’hui, mais mon cœur est toujours lourd. Il me faut prendre de grandes respirations.
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Nous commençons la journée en faisant des achats de fournitures, que nous donnerons aux sans-abris pendant de nous marcherons avec la patrouille Morgan’s Warriors. Prochain arrêt : la peinture murale qui commémore les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées, une peinture haute d’une quinzaine d’étages qui représente une femme autochtone en tenue de cérémonie tenant une plume haut dans les airs, une pleine lune en arrière-plan. L’artiste, Jeannie White Bird, membre de la Première Nation de Rolling River, a intitulé sa murale Giizaagiigo, un mot anishinaabemowin qui signifie « tu es aimée ». Émerveillées par la beauté majestueuse du site, Ruby, Lenora, Frances et moi faisons sur place une purification et une prière et offrons du tabac sacré.
Nous prenons ensuite la route jusqu’à la décharge de Stony Mountain, en bordure de Winnipeg. Nous traversons des prairies (c’est la première fois que j’en vois!) avant d’emprunter une longue route qui nous amène jusqu’au pavillon de ressourcement, qui est malheureusement fermé et n’ouvrira pas avant la nouvelle année. Malgré tout, nous faisons une purification et une prière et offrons du tabac sacré. Le pavillon de ressourcement situé juste en face de la décharge est un espace dédié aux familles en deuil de leurs chers disparus. La grand-mère endeuillée d’une victime du tueur en série dit que, grâce au pavillon de ressourcement, elle restera « proche de ma fille… ainsi, je peux rester tout près et surveiller ce qui se passe ». C’est aussi un endroit où les chercheurs peuvent manger et se reposer pendant leur travail.
Sur le chemin du retour, nous visitons un endroit spécial appelé Maison Soleil. Il s’agit d’un centre d’accueil et de ressources qui se concentre sur la réduction des méfaits et l’inclusion sociale. C’est un lieu sûr, où les gens peuvent s’arrêter et se réchauffer, casser la croûte, se changer, prendre une douche, etc. On y offre des tests rapides pour les ITS. Le centre alerte la communauté lorsqu’il est mis au courant de la circulation de drogues dangereuses, et il offre de nombreux autres programmes. Il met l’accent sur les communautés 2ELGBTQIA+ et sur les communautés autochtones, mais il est ouvert à tous. Il comprend également un site mobile de prévention des surdoses pour les personnes aux prises avec des dépendances. Nous avons demandé à ses représentants comment nous, en tant que syndicat et militants, pouvons apprendre d’eux et ce que nous pouvons faire pour eux, et nous avons prévu faire un suivi en juin prochain. Si tout va bien, nous pourrons faire une deuxième visite du site.
Pour le souper, nous nous arrêtons dans le fantastique petit restaurant appelé Manoomin, situé à l’intérieur de l’hôtel Wyndham Garden, qui appartient à des Autochtones et se trouve sur le territoire de la Première Nation de Long Plain. Le repas est incroyable. Je goûte pour la première fois de ma vie à la viande de bison, qui est délicieuse. Pendant notre repas, nous discutons de l’importance des entreprises autochtones et de la nécessité de continuer de les soutenir ainsi que de la façon de le faire. Ruby, Lenora, Frances et moi nous envisageons de rédiger une résolution visant à utiliser les entreprises autochtones à titre exceptionnel au moment d’investir dans les entreprises syndicales. Ce serait un bon début. Cela s’ajouterait à la mission de notre groupe de travail.
Le corps nourri et réchauffé, nous sommes prêtes à rencontrer la patrouille Morgan’s Warriors. Il s’agit d’un groupe de sensibilisation dirigé par des femmes autochtones, fondé par Melissa Robinson et Elle Harris pour honorer la mémoire de Morgan Harris (l’une des victimes du tueur en série de Winnipeg, dont on croit que la dépouille pourrait se trouver dans la décharge de Prairie Green). Ce groupe de bénévoles prend racine dans l’amour et un engagement profond à l’égard de l’héritage de Morgan, et il cherche à répondre aux besoins non satisfaits que Morgan avait lorsqu’elle vivait dans les rues de Winnipeg. En plus de distribuer des aliments et des vêtements chauds aux personnes itinérantes, les guerrières cherchent les aiguilles souillées et s’en débarrassent et fouillent les maisons abandonnées pour s’assurer qu’il ne s’y trouve personne en situation de détresse. Elles sont également formées pour administrer de la naloxone. Nous leur donnons des mouchoirs de papier, des lingettes nettoyantes, des produits d’hygiène féminine et des cartes-cadeaux de Tim Horton’s ainsi que des vêtements chauds. Comme Melissa et son époux Chris participent aux fouilles de la décharge de Prairie Green, nous avons pu en apprendre plus sur les défis que cela représente et sur les progrès réalisés. Ce sont des personnes incroyables qui font des choses incroyables.
Malheureusement, j’ai dû partir avant mes consœurs (Frances et Ruby) parce que j’avais un vol à prendre tôt le lendemain matin. La soirée restera à jamais gravée dans mes pensées.
Lundi 30 décembre 2024
Je me suis levée ce matin à 4 h 30. L’avion doit décoller à 7 h. Si tout va bien, je devrais arriver à la maison à l’heure du souper.
Je me sens choyée et reconnaissante pour ces derniers jours. Je me sens aussi très privilégiée de vivre la vie que je vis et d’avoir la tribune qui m’a été donnée. Le travail ne fait que commencer.