Juin: Mois national de l’histoire autochtone

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Mois national de l’histoire autochtone

En 1939, treize Autochtones qui participaient à une conférence sur le bien-être des Premières Nations ont posé un geste audacieux. Pendant que les autres délégués s’occupaient d’adopter des résolutions voulant qu’on accorde rapidement plus d’attention au sort des collectivités autochtones, la délégation autochtone a fait cavalier seul pour faire adopter une résolution de son cru.

La conférence sur les Indiens de l’Amérique du Nord, organisée par l’Université Yale et l’Université de Toronto, semblait pleine de très bonnes intentions. Plus de 70 délégués ont participé à cet événement d’une durée de deux semaines. On comptait parmi eux des universitaires, des missionnaires et des fonctionnaires du Canada et des États-Unis1. Treize indigènes avaient été invités, entre autres un anthropologue iroquois, un missionnaire cherokee, un pasteur de l’Église unie haïda et un avocat des Six-Nations. Edith Brant Monture, arrière-arrière-petite-fille du célèbre chef iroquois Joseph Brant, faisait partie également de la délégation indienne2.

La conférence avait pour objectif « de faire la lumière sur la situation actuelle des pupilles indiennes de l’homme blanc et, dans un esprit scientifique, objectivement et avec bienveillance, de planifier leur avenir de concert avec eux3 ».

Malgré toutes leurs bonnes intentions, les participants non autochtones à cette conférence présumaient que l’assimilation était à la fois bénéfique et inévitable.

« On croyait de manière générale que les Indiens étaient bénéficiaires des changements et qu’ils n’avaient pas voix au chapitre. Dans le jargon normalisé du colonialisme, ils étaient désignés comme des pupilles ou comme des enfants. Il s’agissait toutefois d’un différent type de colonialisme, qui avait pour but non pas l’indépendance, mais bien la disparition4. »

Comme on considérait que l’assimilation était inévitable, les débats s’attachaient uniquement à la vitesse souhaitable de cette assimilation.

L’idée la plus farfelue, celle qui a fait déborder le vase, a été soumise par Diamond Jenness, anthropologue canadien, qui a suggéré d’établir de petites colonies inuites autour des grandes villes du Canada. Car qui veut vivre dans le Nord, n’est-ce pas? L’anthropologue croyait que les Inuits s’en tireraient beaucoup mieux s’ils apprenaient l’anglais et acquéraient des compétences en demande sur le marché dans le sud du Canada, étant donné que, dans le Nord, ils resteraient inévitablement au chômage, dépendants de l’assistance sociale et démoralisés5.

Le dernier jour de la conférence, les délégués ont adopté une résolution visant à faire mieux comprendre « les problèmes psychologiques, sociaux et économiques découlant de l’inadaptation des populations indiennes des États-Unis et du Canada ». Un comité a donc été mis sur pied et chargé de déterminer de quelle façon les conclusions de la conférence devaient être diffusées6.

« Puis, il s’est produit une scission spectaculaire. Les délégués indiens se sont détachés du groupe principal et se sont réunis de leur côté pour adopter leurs propres résolutions […] »

« Bien qu’ils appréciaient avoir été invités à la conférence, les Indiens ont décidé d’organiser leurs propres réunions. Ils n’avaient pas besoin que des fonctionnaires, des missionnaires ou des sympathisants blancs […] prennent la parole en leur nom7. »

Les délégués indigènes ont demandé que soit organisée une « conférence des Indiens sur les Indiens », où ne seraient invités que les « dirigeants indiens de bonne foi vivant parmi des Indiens dans les réserves ». À leurs prières, cette conférence devait être « libre de toute domination politique, anthropologique, missionnaire, administrative ou autre8 ».

Leur geste audacieux, leur appel à l’action et la conférence elle-même sont pour ainsi dire passés inaperçus. Lorsque la conférence a pris fin, le Canada était entré depuis une semaine dans la Seconde Guerre mondiale.


[1] Francis, R. D. et R. Jones, (1988). Destinies: Canadian history since Confederation. Toronto, Holt, Rinehart and Winston of Canada.

[2] A. Cassidy, F. (1991). Aboriginal self-determination: proceedings of a conference held September 30-October 3, 1990. Lantzville, C.-B., Oolichan Books.

[3] Francis, R. D. et R. Jones, (1988). Destinies: Canadian history since Confederation. Toronto, Holt, Rinehart and Winston of Canada.

[4] Cairns, A. (2000). Citizens plus: aboriginal peoples and the Canadian state. Vancouver, UBC Press.

[5] Idem

[6] Francis, R. D. et R. Jones, (1988). Destinies: Canadian history since Confederation. Toronto: Holt, Rinehart and Winston of Canada.

[7] Cassidy, F. (1991). Aboriginal self-determination: proceedings of a conference held September 30-October 3, 1990. Lantzville, C.-B., Oolichan Books.

[8] Francis, R. D. et R. Jones, (1988). Destinies: Canadian history since Confederation. Toronto, Holt, Rinehart and Winston of Canada.