Skippy attaque la démocratie

Si vous ne pouvez pas gagner le combat des idées, truquez le jeu. C’est essentiellement ce que les conservateurs ont l’intention de faire avec leur dernier coup : la Loi sur « l’intégrité » des élections.

Et pour démontrer leur engagement envers la démocratie, les conservateurs passeront plusieurs jours à débattre de cet important projet de loi… Oh! Attendez! Tout ça serait logique sur une autre planète!

Fait réel : les conservateurs s’empressent de déposer le projet de loi au Parlement et limitent les débats.

Le projet de loi de 252 pages modifie de façon substantielle la Loi électorale du Canada : on est même allé jusqu’à dire que certaines de ces modifications étaient dignes d’Orwell.

Pour commencer, le projet de loi réduirait au silence le directeur général des élections — tout ce qu’il pourrait nous dire, c’est « comment et où voter ».

Au cours d’une entrevue à la radio de CBC le week‑end dernier, le directeur général des élections, Marc Mayrand, a déclaré que la Loi limiterait sa capacité de « fournir des renseignements à la population ».

De plus, Élections Canada serait dépouillé de ses activités de sensibilisation : il ne serait plus permis de faire des publicités pour encourager les citoyens à voter, parce que le gouvernement conservateur croit qu’un taux de participation de 60 % aux élections est satisfaisant au Canada, et parce que Pierre Poilievre estime que « les candidats politiques réussissent bien mieux à motiver les électeurs à exercer leur droit de vote que les bureaucraties gouvernementales.

Encore une fois, M. Poilievre (alias « Skippy ») croit que les terroristes sont à l’origine du terrorisme….

Cependant, si vous n’êtes pas convaincu que les conservateurs essaient de fausser le jeu en leur faveur, n’oubliez pas qu’ils augmentent la limite des dons et des plafonds de dépenses… tout ça parce que, comme nous le savons en regardant ce qui se passe aux États‑Unis, mettre l’argent des mieux nantis dans la politique renforce vraiment notre démocratie.

La Loi emprunte également une autre stratégie républicaine : promulguer des lois plus strictes concernant l’identification des électeurs dans le but de priver les gens à faible revenu, les étudiants, les sans‑abri et les Autochtones du droit électoral. Les conservateurs crient au loup quant à la question du « recours aux répondants », ce qui reconnaîtrait le droit de vote aux personnes qui n’ont pas les pièces d’identité appropriés.

Extrait de Policy Debrief:

Le ministre Poilievre cite une étude commandée par Élections Canada, rédigée par Harry Neufeld, qui prétend que le taux d’« irrégularités » a atteint 25 % dans les cas de répondants. Cependant, si on jette un coup d’œil au rapport, on peut voir que M. Neufeld utilise le terme « irrégularités » en référence aux fonctionnaires électoraux qui appliquent les politiques « de manière irrégulière », et non à des cas confirmés de fraude par le recours à des répondants.

Cependant, tout comme aux États‑Unis, les conservateurs vont brandir le spectre de la fraude électorale pour prouver qu’ils ont raison. De nombreux États contrôlés par les Républicains ont adopté des lois strictes concernant l’identification des électeurs pour « prévenir la fraude électorale ». Mais, en réalité, le but est de priver du droit électoral les personnes défavorisées sur le plan économique, les étudiants, les Noirs et les Latinos; toutes des personnes susceptibles de voter pour les Démocrates. Près de 11 % des électeurs américains n’ont pas de pièce d’identité avec photo émise par le gouvernement.

Ces nouvelles lois sur l’identification des électeurs ont été lourdement critiquées; le révérend Al Sharpton, militant pour les droits civiques, a comparé ces lois aux taxes de vote du temps de Jim Crow, qui empêchaient les Noirs, qui venaient tout juste d’obtenir le droit de vote, de voter.

La Pennsylvanie et l’Arizona ont vu leur loi sur l’identification des électeurs annulée par les tribunaux. La Floride et l’Iowa ont entamé des enquêtes coûteuses sur la question de la fraude électorale « généralisée », et ça n’a rien donné.

Lorsque le Brennan Institute a étudié la fraude électorale, il a révélé des taux de fraude de 0,0002 % au  Wisconsin et de 0,0006 % dans le New Hampshire. Ce n’est pas précisément ce qu’on pourrait appeler un problème « généralisé ».

Les véritables menaces pour la démocratie prennent la forme de campagnes de désinformation très bien orchestrées. Au cours des élections présidentielles de 2012, les électeurs en Floride, en Indiana et en Virginie ont reçu des appels leur demandant de voter par téléphone.

Ces tactiques de désinformation ne diffèrent pas tant que ça de ce que « M. Pierre Poutine » a fait vivre à de nombreux Canadiens. Cependant, la prétendue Loi sur l’intégrité des élections fait‑elle quelque chose pour réprimer ce type de tactiques de suppression d’électeurs?

« À l’approche d’une prochaine élection, les Canadiens ne savent toujours pas ce qui s’est réellement passé en 2011 ni qui est le responsable », a‑t‑on pu lire dans l’éditorial du Ottawa Citizen. « M. Mayrand a déclaré que le commissaire aux élections fédérales devrait avoir le pouvoir de contraindre une personne à témoigner; ce projet de loi ne prévoit pas une telle disposition. »

« Le retrait des pouvoirs d’enquête d’Élections Canada est le changement le plus révélateur », a écrit le comité de rédaction du Ottawa Citizen.

Le Conseil des Canadiens a sur son site Web une pétition pour la mise en place d’une loi qui permettrait vraiment d’assurer l’intégrité des élections. Le NPD a également sa propre pétition pour demander au Parlement de rejeter le projet de loi C‑23.