Faire des merveilles avec l’inutile!

Imaginez-vous travailler de la maison. Tentant, non? Cependant, les gens qui, comme nous, travaillent dans un bureau, tiennent certaines choses pour acquis : l’employeur a payé le bureau sur lequel nous travaillons, la chaise sur laquelle nous nous asseyons, l’électricité qui fait fonctionner nos ordinateurs, de même que les fournitures de bureau essentielles.

Par contre, pour certains de nos membres qui n’ont d’autre choix que de travailler de la maison, réussir à se faire payer les articles de bureau de base par l’employeur peut représenter tout un défi.

« On nous donne une indemnité de 30 $ par mois – et seulement lorsque nous avons travaillé suffisamment d’heures pour être admissibles », déclare Géraldine Fortin, une membre de l’équipe de négociation des employés sur le terrain à Opérations des enquêtes statistiques.

« Trente dollars par mois, ça ne couvre que le service téléphonique de base », souligne Mme Fortin.

Pour les intervieweuses et intervieweurs sur le terrain, une ligne terrestre est une des exigences de l’emploi.

« Le bureau sur lequel je travaille, c’est moi qui l’ai acheté. La chaise que j’utilise, c’est moi qui l’ai achetée, précise Mme Fortin. Et que ma chaise soit ergonomique ou pas, l’employeur s’en moque. »

Elle a également dû payer de sa poche le tableau d’affichage, les tablettes et la filière verrouillable qui meublent son bureau.

Mme Fortin utilise l’ancienne chambre de sa fille comme bureau. Elle explique qu’elle ne peut plus se servir du garde-robe pour mettre ses effets personnels puisqu’il renferme désormais du matériel de l’employeur.

« Je ne cesse de retourner plein de choses à l’employeur, déclare Mme Fortin. Mais le garde‑robe déborde toujours. »

En effet, Mme Fortin affirme qu’elle reçoit souvent d’énormes colis de son employeur – parfois, elle reçoit jusqu’à cinq boîtes de la taille d’un panier à linge!

Il est important de se rappeler que les heures des intervieweuses et intervieweurs sur le terrain sont précaires. Par conséquent, il est encore plus difficile d’établir un budget pour les choses que l’employeur devrait, en fait, payer. Selon Mme Fortin, il y a des intervieweuses et des intervieweurs qui ne peuvent tout simplement pas se payer les articles de bureau de base… ils travaillent donc dans leur lit ou à la table de la cuisine.

Il va sans dire que plusieurs points doivent être réglés durant la ronde actuelle de négociations.

De la frustration chronique à la création artistique

Pour Suzanne Bélanger, déléguée syndicale en chef de la section locale 10040, tout cet attirail qui envahissait sa maison est devenu une occasion de s’exprimer.

« Statistique Canada nous envoie beaucoup de paperasse et beaucoup d’enveloppes, explique Mme Bélanger. Nous pouvons bien sûr tout mettre dans le recyclage – mais je me suis dit que je pouvais certainement faire quelque chose avec ça. »

« Tout ce papier, je trouvais ça aberrant. Alors j’ai eu l’idée d’en faire des paniers. »

Elle s’est mise au travail et a fabriqué des paniers aux formes complexes avec les enveloppes déjà utilisées. Le produit final est en fait une œuvre géniale d’art conceptuel. Cependant, Mme Bélanger affirme que son intention première n’était que d’utiliser les paniers pour ranger du matériel dans son bureau à la maison – mettre de l’ordre, utiliser quelque chose qui jusque‑là encombrait sa maison.

« Je suis très manuelle, vous savez », déclare Mme Bélanger, qui ajoute que la confection des paniers n’était qu’une façon d’occuper ses soirées.

Et, jusqu’à présent, les paniers font sensation auprès de ses amis militants syndicaux.

« Si cela peut donner une vision différente de nos activités et attirer l’attention sur nos conditions de travail… ce serait une bonne chose! »