25 million pour détruire notre musée

« C’est comme si on prenait une Rolls-Royce, qu’on découpait le toit et qu’on enlevait la banquette arrière pour en faire une camionnette. »

C’est ainsi que Lorne Holyoak, de la Société canadienne d’anthropologie, a décrit hier le plan du gouvernement Harper de modifier le Musée canadien des civilisations, à une réunion du Comité permanent du patrimoine canadien.

« Nous nous opposons à la disparition de l’un des joyaux de notre collection de musées. Ce serait une terrible erreur, lourde de conséquences », ajoute M. Holyoak.

La réunion d’hier était pour les membres du Comité la seule occasion de discuter du projet de loi C‑49, projet qui donnerait une nouvelle image au musée, au prix de 25 M$, et modifierait considérablement son mandat. Le NPD a présenté une motion proposant que deux autres réunions sur le sujet aient lieu, afin que le Comité puisse entendre plus de témoins. Cependant, la motion a été rejetée par la majorité des conservateurs.

L’ancien président directeur général du musée, Victor Rabinovich, a été appelé à témoigner. Il a dit trouver que le nouveau mandat du musée avait « des horizons très limités. »

Actuellement, le MCC présente un portrait très détaillé de l’histoire canadienne », explique M. Rabinovich. Il estime qu’environ les trois quarts des aires d’expositions sont déjà consacrées à l’histoire canadienne.

M. Rabinovich croit qu’il est possible d’améliorer ces aires sans changer le musée de façon radicale.

Un certain nombre de témoins se sont également dits préoccupés par le fait que le libellé du projet de loi allait réduire considérablement l’importance de la recherche.

« Selon le libellé actuel, il serait possible qu’il n’y ait plus aucune recherche entreprise au musée même », mentionne M. Holyoak. « De plus, il semble que ce soit déjà prévu que les recherches viendront compléter les expositions, qui auront déjà été déterminées, plutôt que de former la base éclairée et critique des futures expositions. »

James L. Turk, directeur exécutif de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université, déplore le peu d’engagement des historiens, des anthropologues et des archéologues pour ce qui est de la planification des activités du musée. Il croit que les failles du projet de loi sont en partie attribuables à ce manque de consultation.

Par exemple, le mandat du nouveau musée évacuerait la notion de « compréhension critique » pour accroître simplement la « compréhension ».

La disparition de «  la compréhension critique » est inquiétante, déclare M. Turk. « Favoriser la compréhension critique de l’histoire est l’un des principaux buts de tout grand musée. Permettre aux visiteurs d’avoir une compréhension critique de l’histoire consiste avant tout à leur permettre de voir les choses sous différents angles – ils ont la possibilité de critiquer et d’analyser le passé, et d’approfondir des points de vue répandus plutôt que de se borner à vénérer des héros nationaux. »

M. Rabinovich a repris à son compte les préoccupations de M. Turk, en soulignant qu’un seul mot faisait une énorme différence, surtout lorsqu’un musée doit utiliser la loi pour justifier chaque dépense, que ce soit au vérificateur général, au Conseil du Trésor ou au ministère du Patrimoine canadien.

« Le choix des mots est très important. Ce n’est pas cosmétique », déclare M. Rabinovich.

« La compréhension critique est une expression intellectuelle, c’est la capacité de critiquer, de s’informer et de remettre en question nos connaissances », explique M. Rabinovich.

« Vous avez d’un côté la capacité de se mobiliser, de débattre, d’argumenter et, de l’autre côté, la capacité de fournir des renseignements pour informer. »