Mai, Mois du patrimoine asiatique


Au Canada, le mois de mai permet de souligner les contributions et le patrimoine culturel des Canadiennes et des Canadiens d’origine asiatique. De bien des façons, les Canadiens d’origine asiatique ont dû faire face à l’adversité dès leur arrivée au Canada, qui était alors un pays neuf. Le racisme à l’endroit des immigrants chinois était virulent, et le mouvement ouvrier n’a pas échappé lui non plus à ce poison.

La Confédération s’est bâtie sur les rails du chemin de fer. C’est une idée émise en premier lieu par Thomas Keefer, ingénieur, auteur et homme d’affaires, qui a dit que le train avait été un véritable civilisateur.

« Chaque jour, jeunes et vieux se réunissent autour des wagons : ils se demandent d’où viennent et où vont tous ces gens si bien vêtus, qui semblent si riches – et ces machines qui s’éloignent pour mieux revenir sont des plus bizarres1. »

Le chemin de fer et ces machines bizarres ont renforcé l’économie. Soudainement, des liens plus étroits se sont créés entre des personnes très différentes qui provenaient d’endroits très différents qui ont constaté qu’ils faisaient partie d’une société « canadienne » beaucoup plus large.

Mais il a fallu en payer le prix. Plus de 600 ouvriers chinois ont perdu la vie en travaillant sur la partie du chemin de fer Canadien Pacifique qui traverse la Colombie‑Britannique2. C’est un bien triste chapitre de notre histoire qui n’a été dévoilé à bien des Canadiens que grâce au projet sur l’héritage du réseau CBC. [désolé: vidéo en anglais seulement]

Mais ce qui n’a jamais été dit c’est que les immigrants chinois devaient faire face à de profonds préjugés de la part de la population, du gouvernement, et même d’un grand syndicat.

En 1911, près de 10 % des Britanno-Colombiens étaient d’origine chinoise3. D’innombrables stéréotypes circulaient à propos de la population chinoise : on associait les hommes à la consommation d’opium, au jeu et à la malpropreté, on considérait les femmes comme des prostituées. Même si les blancs habitaient juste à côté d’immigrants asiatiques, ils ne connaissaient pas vraiment leurs nouveaux voisins; « ils ne tenaient aucun compte du nombre de ces caractéristiques de ces immigrants et exagéraient certaines autres caractéristiques », indique Peter Ward, historien à l’Université de la Colombie‑Britannique4.

Cependant, dans l’ensemble, les Chinois étaient impopulaires parce qu’on avait l’impression qu’ils faisaient une concurrence déloyale pour obtenir les emplois peu rémunérés.

Puis sont apparus les Chevaliers du Travail; une organisation progressiste réformiste et ouvrière qui croyait à l’association de tous les travailleurs, sans égard à leurs « qualifications, à leur sexe ou à leur race5. » Quand la crise économique a frappé au milieu des années 1880, les Chevaliers ont commencé à se plaindre de l’immigration chinoise. Durant une Commission royale en 1885, les Chevaliers du Travail se sont officiellement objectés à la main-d’œuvre chinoise, faisant valoir que ces travailleurs allaient devenir de « dangereux  concurrents sur le marché du travail6. »

Le gouvernement a réagi en tentant de limiter l’immigration et en imposant une taxe d’entrée pour tous les immigrants chinois. En 1885, cette taxe s’élevait à 50 $, mais elle a rapidement atteint 500 $ en 19037.

« La taxe d’entrée a réussi à faire diminuer globalement l’immigration chinoise, plus particulièrement le nombre d’immigrantes, puisque bien souvent les hommes mariés ne pouvaient pas payer la taxe d’entrée pour leur femme, et très peu d’hommes célibataires pouvaient payer la taxe pour des femmes seules qui allaient peut-être devenir leur épouse8. »

Les Japonais ont été épargnés par la taxe d’entrée (le Japon était un des alliés militaires de la Grande‑Bretagne). Néanmoins, le Canada a limité le nombre d’immigrants japonais à 400 par année9.

À cette époque, la différence entre immigrants chinois et japonais était manifeste. Les ouvriers non qualifiés n’appréciaient pas les Chinois parce qu’ils leur faisaient une concurrence directe pour les emplois peu rémunérés. Par contre, les Japonais, qui, habituellement, étaient scolarisés et riches, n’étaient pas appréciés par les élites avec qui ils étaient en concurrence.

En 1923, le gouvernement a adopté la Loi d’exclusion des Chinois, qui interdisait à pratiquement tous les Chinois d’entrer au Canada. Dans la période d’après-guerre, la politique en matière d’immigration du Canada a fini par faire disparaître cette loi, sans toutefois faire éliminer les importantes restrictions en matière d’immigration en provenance d’Asie10.

En 2006, le gouvernement du Canada a présenté des excuses officielles pour la taxe d’entrée imposée aux immigrants chinois, et a versé 20 000 $ à tous ceux qui avaient payé la taxe d’entrée et qui étaient toujours en vie, ou à leur conjoint survivant11.

La Société canadienne des familles dont les membres ont versé la taxe d’entrée estime que le gouvernement de Stephen Harper a exclu des milliers de familles qui ont payé la taxe d’entrée imposée aux immigrants Chinois et qui demandaient un dédommagement, puisque seulement 1 % des familles ont reçu le montant prévu12.

Ces familles cherchent encore à conclure un règlement équitable.


[1] Keefer, Thomas C. (1853) Philosophy of Railroads. Montréal.

[2] Chan, Anthony B. Chinois, l’Encyclopédie canadienne.

[3] Francis, R. D., R.  Jones et D. Smith (2008). Destinies: Canadian history since confederation. (6e éd.). Université de Calgary : Nelson Education Ltd.

[4] Ward, Peter. (2002) White Canada Forever: Popular Attitudes and Public Policy Towards Orientals. Québec : McGill-Queen’s University Press.

[5] Kealy, G.S., Chevaliers du Travail, l’Encyclopédie canadienne

[6] Creese, Gillian (1988) Workers, Capital and the State in British Columbia: Selected Papers. Warburton, R. et Coburn, D. (éd.) Colombie‑Britannique : University of British Columbia Press.

[7] Francis, R. D., R. Jones et D. Smith (2008). Destinies: Canadian history since confederation. (6 éd.). Université de Calgary : Nelson Education Ltd.

[8] Idem

[9] Idem

[10] Idem

[11] Munrow, Susan. (2006) Canada Gives Formal Apology for Chinese Head Tax

[12] Head Tax Families Society of Canada