Une journée dans la vie…

Voici notre article de fond, le premier d’une série d’articles qui présentera les différentes tâches de nos membres. Pour éviter que les personnes interviewées subissent des effets négatifs dans leur milieu de travail, nous ne révélerons pas leur identité.

Votre patron vous enverrait-il dans une fumerie de crack?

C’est le genre de situation que vivaient nos membres qui sont des intervieweuses/intervieweurs sur le terrain pour Opérations des enquêtes statistiques. Ces membres recueillent des données pour Statistique Canada en faisant du porte-à-porte et en interrogeant des Canadiens ordinaires.

« J’ai commencé à travailler juste avant que nous soyons syndiqués. Les gens se fichaient de la santé et de la sécurité. C’était comme un concours pour savoir qui allait faire la chose la plus dangereuse »,  mentionne Femme 1, qui est intervieweuse sur le terrain.

Femme 1 raconte que les employés se vantaient des endroits dangereux où ils s’étaient présentés et que les superviseurs essayaient de convaincre les autres intervieweuses/intervieweurs de se rendre dans les mêmes endroits parce que certains y étaient déjà allés.

« Généralement, on ne verrait pas ça aujourd’hui.  Ce n’était vraiment pas une culture appropriée. On mettait la vie des gens en danger », déclare Femme 1.

Beaucoup de progrès a été accompli afin de changer cette culture. « Les choses ont bien changé depuis que les comités de santé et sécurité ont été établis. Nous sommes plus vigilants », explique Femme 1. De nos jours, les édifices dangereux et les zones à forte criminalité figurent dans un registre des endroits non sécuritaires pour éviter que les intervieweuses/intervieweurs se retrouvent dans des situations dangereuses.

Cependant, la nature du travail fait en sorte que les intervieweuses/intervieweurs sur le terrain rencontrent toutes sortes de gens. « Vous ne savez jamais qui répondra à la porte », explique Femme 1.

En fait, les intervieweuses/intervieweurs ne rencontrent pas seulement des criminels toxicomanes, certains se heurtent au racisme à l’état brut. « Chez eux, les gens se permettent des choses qu’ils ne se permettraient pas dans leur milieu de travail », indique Femme 1. Elle ajoute que le travail d’intervieweuses/intervieweurs peut être particulièrement difficile pour les membres des minorités visibles.

C’est l’un des rares métiers où il y a un préjugé défavorable à l’endroit des hommes. Les personnes interrogées sont souvent peu enclines à parler à un homme, à le laisser entrer chez elles et à aborder avec lui des sujets délicats. « C’est tout un obstacle pour les hommes qui font ce travail », conclut Femme 1. L’effectif des OES est principalement composé de femmes.

Les employées et employés doivent également devoir composer avec les problèmes que rencontrent souvent les personnes qui travaillent sur la route. Femme 1 raconte que son travail peut parfois l’amener dans des zones très rurales.

« Où sommes-nous? Sur une route en gravier en rase campagne, et où la prochaine maison est à un demi-kilomètre. Et s’il nous arrive quelque chose, par exemple, si la voiture tombe en panne, nous n’avons pas de téléphone. »

Comme la plupart des membres à OES, Femme 1 croit que l’employeur devrait fournir des téléphones cellulaires à ses intervieweuses/intervieweurs sur le terrain pour les situations d’urgence.

Femme 2, qui est également intervieweuse sur le terrain, déclare que, après le recensement de 2006, Statistique Canada avait un certain nombre de téléphones cellulaires qui ne servaient pas. « Statistique Canada aurait dû les donner aux intervieweuses/intervieweurs sur le terrain, mais a plutôt choisi de les donner aux intervieweuses/intervieweurs principaux qui travaillent de chez eux. »

Même si les conditions de travail précaires sont une grande préoccupation, il y a aussi l’imprévisibilité de la charge de travail.

« Le vrai problème du groupe, c’est qu’il n’y a aucune garantie de travail, aucun nombre minimal d’heures garanti. C’est ridicule! », s’exclame Femme 2.

Lorsqu’il est question d’employées/employés qui ont des heures de travail irrégulières, il est courant de garantir un certain salaire minimum. Par exemple, les agentes/agents de bord ont habituellement un nombre d’heures garanties chaque mois; si l’employeur n’attribue pas toutes ces heures, les agentes/agents de bord sont assurés d’être payés pour ce nombre minimal d’heures.

Ce n’est pas le cas pour les intervieweuses/intervieweurs sur le terrain! Les heures varient d’une semaine à l’autre. « C’est le manne ou la famine », s’indigne Femme 1.

La nature du travail fait en sorte que si trop de répondants refusent de répondre aux questions, les intervieweuses/intervieweurs travaillent moins et, par conséquent, sont moins payés.

Il faut également avoir beaucoup de discipline pour faire ce travail. « Vous facturez les heures que vous travaillez. Vous avez parfois le sentiment d’avoir travaillé dix heures, mais vous n’en avez travaillé que quatre parce que le travail a été entrecoupé », explique Femme 1. Autrement dit, c’est comme faire plusieurs quarts de travail en une journée.

Lorsque le groupe s’est organisé, en 2001, l’effectif était plus petit. La main-d’œuvre était principalement composée d’enseignantes/enseignants retraités qui utilisaient leur maigre revenu pour se gâter un peu. « À cette époque, ça ressemblait un peu au travail que font les personnes qui travaillent le jour des élections – c’était un revenu supplémentaire, mais ce n’est pas un revenu fiable », ajoute Femme 2.

Petit à petit, de plus en plus de ministères fédéraux ont commencé à avoir besoin de renseignements. Ils avaient donc besoin d’un effectif stable. Et, bien sûr, le syndicat a dû se battre pour promouvoir la santé et la sécurité et beaucoup d’autres enjeux. La lutte n’est pas terminée.

L’équipe de négociation des OES s’est récemment trouvé dans une impasse. Parmi les demandes, il y a les augmentations de salaire qui permettraient aux intervieweuses/intervieweurs d’obtenir la parité avec les personnes qui travaillent dans des milieux comparables. L’équipe de négociation espère que l’arbitrage permettra de conclure une entente juste.

Cependant, dans le cadre des négociations, il n’est pas question de santé ni de sécurité. Pourtant, la santé et la sécurité ne sont pas négociables : elles sont obligatoires.

Femme 2 déclare que la meilleure façon pour les intervieweuses/intervieweurs sur le terrain de faire respecter leurs droits, c’est de se servir à bon escient des comités de santé et sécurité et affronter leur employeur.

« Quand ils savent qu’il y a un problème, ils doivent le déclarer dans un rapport d’incident. La santé et la sécurité, c’est important. Nous ne voulons pas que les gens mettent leur sécurité en péril », souligne Femme 1.

Malgré les nombreuses difficultés auxquelles font face les intervieweuses/intervieweurs sur le terrain, Femme 1 déclare vraiment aimer son travail.

« On rencontre des personnes de tous les horizons – de tous types de caractères –, des gens qu’on aurait jamais rencontrés autrement et avec qui on n’aurait jamais parlé si on ne faisait pas ce travail. »

Avez-vous un emploi à proposer dont nous pourrions parler dans notre série Une journée dans la vie de…? Si c’est le cas, envoyez un courriel à l’adresse suivante : communications@une-sen.org.