Promouvoir l’authenticité : réflexions sur le Sommet pancanadien des communautés noires

par Noha Haydari

Ma participation au Sommet pancanadien des communautés noires a été une expérience des plus enrichissantes, qui m’a permis de voir d’une autre façon comment on peut occuper l’espace avec authenticité. En tant que femme racialisée, je me suis souvent sentie obligée de modifier mon comportement, ma façon de m’exprimer et toute mon attitude quand j’étais entourée principalement de personnes à la peau blanche. Dans plusieurs contextes, on s’attend sans le dire à ce que je modifie ma façon d’être, à ce que je m’adapte à une norme qui n’a pas été conçue pour les gens comme moi. Mais, au Sommet, quelque chose d’incroyable s’est produit : je n’ai pas ressenti le besoin de faire cela. Pour la première fois, j’étais dans un espace où je pouvais simplement être moi, sans être forcée de modifier mon identité pour me conformer aux attentes de quelqu’un d’autre.

En tant que femme racialisée, je sais que l’alternance des codes peut être une stratégie de survie exténuante. Qu’il s’agisse de modifier mon discours pour avoir l’air « plus professionnelle » ou d’atténuer certains aspects de ma culture et de ma personnalité qui pourraient sembler « trop exubérants » ou « trop différents », c’est très lourd sur les plans psychologique et affectif. Toutefois, au Sommet pancanadien des communautés noires, il y avait une compréhension commune qui m’a permis de me détendre. J’étais entourée de gens qui avaient vécu les mêmes expériences et les mêmes histoires, et, dans cet espace partagé, je n’ai pas eu à me faire plus petite ou à me transformer d’une manière ou d’une autre. J’étais libre de m’exprimer avec authenticité sans crainte d’être jugée ou mal comprise.

J’ai remarqué une autre chose, durant le Sommet : la politique habituelle sur les « environnements sans parfum », en vigueur dans de nombreux événements syndicaux et espaces de travail, n’était pas appliquée. Même si ces politiques sont habituellement adoptées pour soulager les gens sensibles aux parfums, elles peuvent aussi, sans le vouloir, donner l’impression que certaines pratiques culturelles sont subtilement surveillées. Pour de nombreuses communautés racialisées, y compris la mienne, certaines fragrances — des huiles aux parfums en passant par les remèdes traditionnels — font partie de notre identité et de notre expression culturelle. Dans d’autres contextes, ces éléments sont souvent perçus comme une perturbation, comme si nos choix devaient être restreints ou modifiés en fonction de la norme eurocentriste dominante.

Au Sommet, il n’y avait pas de zone sans parfum, et personne ne s’est plaint, même s’il y avait plus de 2 000 participant·e·s. L’absence d’une telle politique n’a pas fait de vagues, mais illustrait bien ce que cela veut dire de créer un environnement vraiment inclusif. Durant cet événement, on n’a pas réglementé le comportement des participants pour qu’ils entrent dans un moule. On a plutôt cherché à créer un environnement dans lequel tous et toutes pouvaient s’exprimer et afficher pleinement leur identité. Pour une fois, je n’ai pas ressenti le besoin de m’excuser de la façon dont mes pratiques culturelles ou mon identité pouvaient être perçues par autrui. Cet espace m’a permis de respirer et d’exister comme j’étais.

Mais, encore une fois, ce qui m’a surprise, c’est que personne ne s’est plaint de l’absence de zone sans parfum. Je suis moi-même très sensible aux odeurs, et encore plus depuis que je suis enceinte, mais la présence d’odeurs modérées ne m’a pas du tout incommodée. Dans de nombreux milieux syndicaux et lieux de travail, ce genre de politique est souvent présentée comme une mesure d’adaptation nécessaire pour les gens « sensibles », mais elle peut aussi être perçue comme une tentative pour contrôler la présence de personnes racialisées et marginalisées. C’est comme si notre existence même — la nourriture que nous cuisinons, les parfums que nous portons, notre manière de parler — devait s’effacer pour éliminer tout inconfort. Au Sommet, je n’ai pas ressenti cette pression. J’ai plutôt réalisé que tout le monde comprenait qu’il n’y a rien de mal à se présenter comme on est, sans toujours chercher à plaire aux autres.

Cette expérience a confirmé de nouveau l’importance de créer des espaces où les personnes marginalisées, surtout les personnes racialisées, peuvent exister sans devoir se transformer constamment. Au Sommet, la diversité culturelle n’était pas seulement tolérée, elle était célébrée. J’ai compris que la vraie inclusivité ne consiste pas à s’assurer que tous et toutes respectent un ensemble de règles ou de normes; il s’agit plutôt de permettre aux gens d’être qui ils sont, d’être vus, entendus et respectés, sans qu’ils aient à atténuer ou modifier leur personnalité.

À l’avenir, dans les discussions sur l’inclusivité, il sera important d’examiner les politiques et les normes qui pourraient toucher de manière disproportionnée les groupes marginalisés. L’absence de zones sans parfum n’avait pas seulement trait aux odeurs ou à la nécessité de changer de code; elle avait trait plus largement aux principes du respect et de la compréhension. Elle nous rappelait que nous n’avons pas besoin de nous cacher ou de nous métamorphoser pour mettre les autres à l’aise ou avoir l’air respectable à leurs yeux. C’est dans ce genre d’environnement — où on met l’accent sur le respect mutuel, l’expression culturelle et la présence authentique — que les vrais changements peuvent commencer. Le Sommet m’a montré que, quand nous permettons aux gens d’être qui ils sont, non seulement nous les valorisons, mais en plus nous créons des communautés plus entières, inclusives et porteuses de changement.

Le Sommet pancanadien des communautés noires a été une expérience enrichissante et positive, mais c’était aussi une excellente façon de commencer le Mois de l’histoire des Noirs. Il nous a rappelé l’importance de créer des espaces où les personnes racialisées peuvent être qui elles sont, authentiquement, sans crainte d’être jugées et sans devoir se conformer. J’espère sincèrement que les membres du Syndicat des employées et employés nationaux qui ont participé à l’événement ont été inspirés par l’expérience et qu’ils chercheront comment créer des environnements plus inclusifs dans leur milieu de travail et leur organisation. Durant ce Sommet, nous n’avons pas seulement célébré notre identité; nous nous sommes aussi encouragés les uns les autres à foncer, à être nous-mêmes sans nous excuser et à continuer de militer pour un monde inclusif pour tous et toutes.

Noha Haydari est la représentante régionale aux droits de la personne du SEN pour la région Hors Canada.

« J’aimerais remercier Noha de nous avoir raconté son expérience et de mettre en lumière des sujets si importants. Ses propos sont une précieuse occasion de réfléchir à la façon dont nous coexistons dans des espaces partagés. Comme nous le savons, nos environnements sont des environnements sans parfum pour convenir à ceux et celles à qui les parfums pourraient causer des problèmes de santé. En même temps, je vous encourage tous et toutes à continuer de chercher à mieux comprendre comment les normes culturelles dominantes orientent nos échanges et façonnent nos environnements. »

 – Alisha Kang, présidente nationale, Syndicat des employées et employés nationaux