la Journée du multiculturalisme au SEN

Par Hayley Millington

Le multiculturalisme. L’idée en soi témoigne d’une idéologie, d’une politique adoptée par le gouvernement du Canada qui a donné naissance à la perception selon laquelle les gens issus de différentes cultures peuvent coexister au sein de la société élargie. Pour l’essentiel, le multiculturalisme se définit comme la coexistence de diverses cultures composées de groupes raciaux, religieux ou culturels, se manifeste dans des comportements coutumiers et des présupposés culturels et privilégie divers modes de pensée et styles de communication. Les Canadiens considèrent le mélange culturel comme leur propre mosaïque multiculturelle. 

En lisant l’article, vous vous demanderez peut-être ce que suppose exactement le multiculturalisme. Eh bien ici, au Canada, au cœur du multiculturalisme reposait l’immigration, qui se voyait accorder une position d’importance sociale. Sur le plan historique, durant les années 1970 et 1980, le gouvernement canadien a officiellement adopté le multiculturalisme, et cela se reflète dans sa législation, dont la Loi sur le multiculturalisme canadien de 1988 et l’article 27 de la Charte canadienne des droits et libertés. La politique elle-même est gérée par le ministère du Patrimoine canadien.

Le 27 juin 2003, le Canada a célébré sa première Journée du multiculturalisme, occasion pour les Canadiens de s’imprégner de l’unicité de la mosaïque culturelle du pays, ainsi que des contributions des populations immigrantes et des communautés culturelles du Canada et de nos valeurs communes.

On peut dire que l’ouverture dont fait preuve le Canada a façonné la société en général et, plus tard, notre mode de vie. En immigrant ici, des gens de partout dans le monde ont fait du Canada leur chez-soi en espérant obtenir, si j’ose dire, les mêmes possibilités et privilèges que tous les Canadiens.

En tant que femme noire canado-trinidadienne issue d’une population immigrante, j’aimerais mettre en lumière la réalité, peu importe le caractère inapproprié du terme « multiculturalisme ». Au cours des dernières semaines, nous avons connu un autre réveil brutal : les événements actuels n’ont servi qu’à déconstruire la croyance voulant que le Canada est à l’abri du racisme. Cette croyance, alimentée par le sentiment que le Canada, contrairement aux États-Unis, a exercé une tolérance raciale, remonte au rôle du pays dans le chemin de fer clandestin et à sa qualité de refuge sûr pour les esclaves en fuite. Des « histoires » comme celles-là ont enflé la perception que le Canada a de lui-même et ont même contribué à l’image du Canada sur la scène mondiale. Cette perception et cette image ont procuré à ses habitants un faux sentiment de sécurité qui nie l’existence du racisme comme réalité tangible tandis que les Canadiens noirs font face à du racisme systémique sur tous les plans.

Le multiculturalisme ne nous a aucunement permis d’être un pays et une société immunisés contre la perversion d’une vie confrontée à l’inégalité et à l’injustice raciale. Rappelons-nous tous que nous ne sommes pas encore parvenus à une société réellement multiculturelle; il reste beaucoup de travail à faire.

La force du Canada réside dans sa diversité, et on ne saurait maintenant fermer les yeux et rater l’occasion d’éradiquer les politiques et les pratiques racistes inhérentes qui entachent les institutions et le paysage multiculturels du Canada tout en souillant la vision du Canada, soit celle d’une société qui valorise véritablement la diversité et la richesse ainsi que les contributions de tous ses citoyens.

Je m’en voudrais de ne pas mentionner comment le multiculturalisme et l’inclusivité semblent être un objectif lointain, puisqu’ils demeurent des occasions perdues et insaisissables pour les premiers habitants de notre pays, dont les difficultés passées et présentes continuent d’être ignorées, méprisées et écartées.

Ces concepts devraient aller de soi pour tous ceux qui appellent cette patrie, que ce soit par un droit de naissance, par la naissance ou par l’immigration, leur chez-soi.    

En toute solidarité, je vous demande de vous lever, de prendre la parole, de devenir un allié et de vous ranger du côté de vos concitoyens qui continuent de vivre leur quotidien en souffrant de la pestilence du racisme et de la discrimination. Une société multiculturelle reflète le sens réel de l’inclusivité et ne le fait pas dans le seul but de célébrer la culture d’autrui ou d’y goûter. Cela nécessite l’engagement et l’attention de chacun. Les événements récents l’exigent.

Hayley Millington est la représentante nationale de l’équité pour les membres de minorités visibles du SEN.