Sam Padayachee
Activiste social, fier membre du SEN
La discrimination fondée sur l’apparence est une forme de discrimination sociale subtile, mais très puissante. Elle renvoie au fait de juger les personnes selon que leurs caractéristiques physiques respectent plus ou moins les normes de beauté européennes ou eurocentriques. Même si le concept est peu connu, il affecte profondément les personnes des communautés racialisées, changeant la façon dont elles sont perçues, traitées et évaluées dans diverses sphères de la vie.
Pour bien comprendre la discrimination fondée sur l’apparence, il est essentiel de saisir qu’elle ne tient pas uniquement à la race, mais plutôt aux caractéristiques physiques spécifiques des différents groupes raciaux, qui sont soit appréciées, soit dédaignées. Ces caractéristiques comprennent la couleur de la peau, la texture des cheveux, la forme des yeux, la taille du nez et l’épaisseur des lèvres, entre autres. La discrimination fondée sur l’apparence se manifeste quand les caractéristiques physiques typiquement associées à l’ascendance européenne, comme la peau pâle, les cheveux lisses, les nez petits et les lèvres fines, sont considérées comme plus attrayantes ou acceptables que les caractéristiques qui dévient de ces normes.
Les normes de beauté eurocentriques ont été façonnées par des siècles de colonialisme et de domination culturelle, où les traits européens ont été idéalisés en tant que normes de beauté et de désirabilité. Ces caractéristiques ont été renforcées par les médias, la publicité et l’industrie du divertissement, ce qui les fait passer pour « normales ». Pour les personnes non-racialisées, ces normes de beauté passent souvent inaperçues, car elles reflètent leur propre apparence ou les images qu’elles ont l’habitude de voir.
Cependant, pour les personnes racialisées, particulièrement celles d’origine africaine, asiatique, autochtone ou latine, ces normes peuvent être préjudiciables et peuvent susciter un sentiment d’isolement, surtout si elles vivent dans un pays eurocentrique. La discrimination fondée sur l’apparence s’inscrit en outre dans un système plus large de discrimination fondée sur la race, où les personnes dont les caractéristiques physiques s’éloignent de l’idéal eurocentrique peuvent faire l’objet de préjugés, d’exclusion ou de jugements négatifs.
Les personnes racialisées, particulièrement les femmes, vivent souvent des pressions visant à ce qu’elles modifient leur apparence pour se rapprocher des normes eurocentriques : lisser leurs cheveux naturellement frisés, éclaircir leur peau ou se soumettre à des interventions esthétiques pour modifier des caractéristiques faciales. Ces pressions ne visent pas seulement l’esthétique, elles sont liées à la valeur et aux possibilités que donne la société à une personne. Par exemple, une personne aux caractéristiques physiques « acceptables » sera jugée comme plus belle, plus intelligente ou plus capable, tandis que celle qui possède des caractéristiques physiques non eurocentriques sera peut-être jugée moins attirante, moins compétente, voire moins professionnelle.
La discrimination fondée sur l’apparence influence souvent la façon dont les gens sont traités dans des contextes professionnels. Une personne aux cheveux plus lisses ou à la peau plus pâle aura peut-être tendance à être perçue comme plus « présentable » ou « digne de confiance », alors qu’une autre avec les cheveux plus épais ou la peau plus foncée pourrait être considérée comme « trop ethnique ». Cela, très souvent, peut mener à des inégalités au chapitre de l’embauche et de l’avancement, dans la dynamique du milieu de travail, où les personnes aux caractéristiques physiques eurocentriques sont favorisées, que ce soit consciemment ou non.
Les médias et l’industrie du divertissement contribuent fortement à façonner notre perception de la beauté. Quand des personnes racialisées sont représentées, celles qui ont des caractéristiques physiques eurocentriques hériteront d’un rôle plus intéressant, ce qui renforce une vision étroite de ce qu’est l’attrait. À l’opposé, les personnes aux caractéristiques physiques non eurocentriques héritent de rôles secondaires ou stéréotypés, ce qui marginalise encore plus leur représentation et renforce les normes préjudiciables.
Grandir dans un monde qui privilégie les caractéristiques physiques eurocentriques peut nuire sévèrement à l’estime de soi des personnes racialisées. Pour les enfants et adolescents de couleur, être constamment exposés à des images et des messages donnant à penser que leurs caractéristiques physiques sont « inférieures » peut susciter des sentiments de mal-être, de doute, voire de haine de soi. Avec le temps, cela affecte leur santé mentale et leur sentiment d’appartenance.
Les personnes non-racialisées doivent comprendre que la discrimination fondée sur l’apparence repose sur le fait que les normes de beauté sont des constructions sociales. Ce qui a été normalisé comme étant « beau » est intimement lié aux dynamiques de pouvoir, où certains traits sont plus valorisés que d’autres pour des raisons qui tiennent plus à la domination historique qu’à un quelconque critère esthétique.
Pour contrer la discrimination sur l’apparence, nous devons reconnaître que la beauté a plusieurs formes. Nous devons célébrer la diversité des apparences et rejeter les normes de beauté étroites qui privilégient les caractéristiques physiques eurocentriques. Nous avons tous des préjugés inconscients, et ceux-ci peuvent affecter la façon dont nous percevons les autres. Nous devons réfléchir au fait que nous favorisons peut-être certaines caractéristiques plutôt que d’autres et travailler pour contrer ces préjugés. Par exemple, vous pourriez changer un peu la façon dont vous interagissez avec les gens au bureau ou dans des contextes sociaux ou dont vous complimentez ou commentez l’apparence des gens. Portez attention aux expériences vécues par les personnes racialisées qui parlent de la discrimination fondée sur l’apparence. Écoutez sans être sur la défensive et mettez à profit votre prise de conscience afin de lutter contre les pratiques discriminatoires, que ce soit sur votre lieu de travail, au sein de votre communauté ou dans vos relations personnelles.
La discrimination fondée sur l’apparence n’est peut-être pas autant sujet de discussion que le racisme, mais c’est une forme tout aussi dommageable de discrimination. En la comprenant et en comprenant son incidence sur les personnes racialisées, nous pouvons commencer à déconstruire les normes de beauté dommageables qui perpétuent l’inégalité. Pour les personnes non-racialisées, cela signifie remettre activement en question les normes sociales et appuyer les efforts qui visent à créer un monde où toutes les caractéristiques physiques sont valorisées, et non pas seulement celles qui correspondent à l’idéal eurocentrique.
Dans une société réellement inclusive, la beauté ne devrait pas être définie par un ensemble étroit de normes, mais par la riche diversité qui existe dans l’apparence humaine. En faisant place à la diversité, nous pouvons créer un monde plus équitable et compatissant pour tous.